include('include/head.php') ?>
MÉTHODE POUR ÉCRIRE LES CODES FORESTIERS NATIONAUX
Cliquer ici pour voir notre code agro-forestier.
A l’occasion de la rédaction d’un code agro-forestier, nous avons dégagé une méthode, dont les généralités sont décrites ci-après.
A l'occasion d'un important travail de rédaction d'un code forestier ( ), il est possible de proposer quelques réflexions de portée générale. Celles-ci concernent essentiellement la méthode d'élaboration qui a été suivie, et qui pourrait être utile à d'autres oeuvres ( ).
On a limité notre propos à l'essentiel, conformément à l'esprit même d'une méthode. Ceci d'autant plus que sur un tel terrain, le domaine de la discussion est infini ( ) ; d'où l'aspect lapidaire de cet article.
Le caractère général de ces lignes, voire universel, pourrait choquer. Dans l'extrême diversité des situations, comment des principes communs pourraient-ils être applicables ? Nous croyons possible de préciser ces principes du seul fait qu'au delà des diversités apparentes les rapports entre l'homme et la nature varient peu d'une région à l'autre. De surcroît le niveau de réflexion auquel nous nous maintenons autorise de telles analyses.
Par la suite on supposera acquise certaines idées : d'abord celle que les lois forestières sont indispensables à la protection et à la mise en valeur des forêts ; l'exemple des pays dotés depuis longtemps de tels systèmes l'atteste. De même celle que le développement des lois forestières dans le monde contribue à celui de l'Etat de Droit ( ) qui est une priorité à notre époque. Enfin, il faut simplement rappeler que le développement des lois forestières dans un Etat suppose que les équilibres politiques, économiques, sociaux ... et souvent internationaux le permettent.
Ces préliminaires étant posés, nos réflexions peuvent être présentées en deux points suivant qu'elles concernent l'objet même du code, ou sa technique d'élaboration.
Pour la clarté de l'exposé qui suit, on utilisera souvent le terme " Code ", qui désigne le document rassemblant toutes les lois forestières d'un Etat.
A. L'objet du code
Pour tout concepteur de code forestier, un grand nombre de questions se posent parmi lesquelles les plus importantes sont les suivantes :
- faut-il un code limité à la forêt, ou ayant un objet plus large ?
- quel statut donner aux populations qui vivent en forêt ?
- quelles règles élaborer pour la protection et la gestion des forêts ? ;
- quelles structures (personnes morales) convient-il d'utiliser ?
Dans cette énumération, les deux premières questions sont fondamentales.
1. L'ETENDUE DU CODE FORESTIER
Un code forestier peut-être à contenu variable ; on peut lui donner une portée limitée ou au contraire étendue. On définira ces concepts avant d'en faire une appréciation.
A) DEFINITIONS
Un code à portée limitée se borne à régir le périmètre de la forêt. A l'intérieur de celui-ci il peut régir uniquement les essences forestières. Si sa portée s'accroit, il peut régir la couverture vive ou morte du sol, les carrières, les sources, la faune, l'accès des gens ...
Un code à portée étendue ne se contentera pas de régir le périmètre forestier mais s'étendra à d'autres biens.
On peut théoriquement recouper les deux définitions, en élaborant un code mixte qui régirait partiellement le périmètre forestier mais s'étendrait au delà de celui-ci. Bien qu'une telle conception puisse être réalisée, nous l'écartons de notre propos dans un souci de simplification.
B) APPRECIATIONS SUR LE CODE A PORTEE LIMITEE
Un code à portée limitée comportera toujours un noyau dur, qui dépasse le seul cadre des essences forestières pour s'étendre aux autres espèces et au sol. Ce noyau se justifie par l'étroite dépendance biologique de ces éléments. Telle est d'ailleurs la conception du code forestier français métropolitain.
Qu'il s'étende aux carrières, aux cours d'eau ou à la faune et à la flore non " forestière " (par exemple) est un autre problème. Celui-ci est d'autant plus important que le régime des eaux est lié aux forêts, lesquelles abritent de nombreuses espèces végétales et animales.
La France a choisi de ne pas placer la protection des eaux, de la faune, et dans une large mesure de la flore et de la faune sous l'empire du Code forestier. Ce choix s'explique par des raisons historiques qui lui sont propres ( ), et qui ne pourraient être présentées comme universelles. Bien au contraire, il fut un temps où l'Administration des Eaux et Forêts avait une compétence plénière en forêt.
L'extrême division des compétences en matière de forêt, de chasse, de pêche, de faune et de flore, de mines et carrières, d'environnement ... est le reflet de la complexité croissante de nos sociétés occidentales. Il n'est pas sûr qu'il s'agisse d'un modèle. Nous croyons au contraire qu'une unification des compétences en forêt est un gage de simplification et d'efficacité. Cette économie de structure pourrait donc être envisagée dans d'autres contextes.
C) APPRECIATION SUR LE CODE A PORTEE ETENDUE
Etendre la portée du code forestier en dehors du périmètre de la forêt peut résulter de deux conceptions.
La première consisterait à étendre ce code à l'espace naturel. Cela traduirait une transformation du Code forestier en un code de l'environnement naturel. Ceci ne nous semble pas être la vocation d'un code forestier, et nous ne développerons donc pas cette idée.
La seconde conception coïncide avec l'agro-foresterie. Là où les sols ne sont plus en nature de forêt, mais sont néanmoins partiellement couverts par des essences ligneuses disséminées, une extension du code forestier peut être justifiée. Cette extension se fonde sur la nécessité de préserver ces arbres ou arbustes pour les usages alimentaires et domestiques, ou pour le régime du sol et des eaux. S'agissant le plus souvent d'arbres et de bosquets, jouant un rôle de protection souvent identique à celui des forêts, il est logique de confier leur statut au Code forestier. De surcroît, dans certaines régions à utilisation intense de l'espace, la frontière entre zones agro-forestières et forestières est parfois difficile à tracer ; une harmonisation des règles applicables est alors souhaitable.
C'est cette conception qui a été proposée et adoptée pour l'ordonnance forestière de Mayotte. Cette expérience de législation agro-forestière, nouvelle pour un territoire français, est donc remarquable à ce titre. Elle pourrait servir de référence. Elle s'est finalement concrétisée dans un ce que nous avons proposé de nommer " Code de l'espace forestier ".
2. le droit des gens
La forêt et sa périphérie sont souvent peuplées d'hommes. Un code forestier ne peut faire l'économie de ce problème. On peut même dire qu'au delà du choix initial présenté plus haut, le statut des personnes en forêt peut être le principal problème forestier.
La résolution de ce problème dépend du statut du sol et des gens. Nous avons résolument posé dans l'hypothèse de départ l'Etat de Droit. Dans un tel Etat, les populations forestières ne peuvent être considérées comme étant sans droits. Dès lors, quelles sortes de droits peut-on leur reconnaître ? Dans l'éventail des types de droits occidentaux (droit de propriété, d'usage, d'exploitation, de concession ...) une foule de solutions serait envisageable. A notre niveau de réflexion, il s'agirait là d'un faux débat ; le coeur du problème étant de savoir si on reconnait à ces personnes la maîtrise de leur espace vital.
Cette maîtrise doit être limitée en fonction des objectifs de l'Etat. Dans un premier stade de simple conservation, les dégradations du milieu forestier justifient les atteintes aux droits des populations. Dans un souci d'amélioration et d'exploitation, les nécessités de gestion apportent d'autres limites.
La reconnaissance de droits limités aux populations étant donc une nécessité, la nature de ces droits est délicate ; elle doit pouvoir garantir aux populations leurs besoins, tout en permettant le cas échéant une intervention.
En la matière, un seul principe parait être acceptable, celui recommandé par Montesquieu dans l'Esprit des Lois. L'esprit des lois forestières se trouve aussi dans l'esprit des peuples. La première tâche de tout législateur est de s'enquérir des habitudes et coutumes et d'organiser la compatibilité de ces règles issues du sol avec les objectifs de l'Etat.
Par delà ce principe, une référence peut être trouvée dans les droits d'usage forestiers français. En effet, pendant des siècles les droits des gens dans les forêts ont été régis par le statut du droit d'usage forestier si original et si typique. Il y a là une source inappréciable d'expériences passées dont l'intérêt actuel n'est pas épuisé.
3. le droit des biens
Le droit des biens constitue le coeur du Code. Son élaboration est un travail de technique juridique au sujet duquel peu d'orientations sont réellement utiles. Une connaissance approfondie de toutes les lois forestières (et si possible du passé législatif), est nécessaire. Elle doit être méticuleusement confrontée à la réalité locale.
Au delà de ce principe, il faut remarquer que dans une optique simple de conservation de la forêt, tout code contiendra une législation sur les fléaux majeurs qui atteignent la forêt et particulièrement le défrichement et l'incendie. Il s'agit là de législations complexes étroitement inféodées aux usages locaux.
Corrélativement, dans un but de conservation des sols et des eaux, une législation comme celle des " forêts de protection " ou de la restauration des terrains doit être incluse. Des périmètres de protection autour des sources, et des règles d'accès aux rives et de maintien des bords des cours d'eaux sont à prévoir.
Le régime des prélèvements en forêt doit être organisé par permis de coupe ou d'autres autorisations comme en matière de droits d'usage. L'institution de servitudes d'éloignement de certains établissements à distance des forêts est encore un moyen.
Si le Code est à contenu étendu, une législation d'agro-foresterie doit être étudiée, compte tenu des utilisations agricoles des sols et de la législation forestière. En particulier, l'utilisation des cours d'eaux peut y être réglée comme en matière de forêts.
Les dispositions financières et surtout fiscales ont une place discutable dans un code forestier, du fait même que leur logique fait souvent appel à d'autres mécanismes que ceux de la loi forestière qui par nature est domaniale.
Enfin, la législation pénale doit être inévitablement précisée. Il est souhaitable de la considérer comme un dénominateur commun à toutes les forêts, et d'éviter de la disséminer à travers tout le code.
4. Le droit des structures
Une administration forestière fortement présente sur le terrain est évidemment indispensable pour faire respecter les règles forestières. Au stade de la conservation une telle administration suffit. Au stade de la gestion, le recours aux titulaires de droits forestiers s'impose si l'on veut éviter qu'une administration publique ne monopolise l'espace forestier. C'est seulement à ce stade et à cette condition que l'utilisation de structures spéciales se justifie, notamment en cas de regroupement des titulaires de droits forestiers.
B. La technique d'élaboration du code
On insistera d'abord sur l'utilité d'un code, avant d'exposer divers conseils techniques sur son élaboration.
1. L'UTILITE D'UN CODE
Trop nombreux sont les exemples de législations forestières disséminées et hétérogènes. L'existence d'un document unique récapitulant tous les textes forestiers et correctement conçu est évidemment un gage d'efficacité. C'est le but de tout code.
Ce document doit être conçu formellement comme un utilitaire pour les administrations et si possible toutes personnes concernées. Il ne doit pas devenir un texte réservé à une minorité, sous peine d'être moins appliqué.
2. LES STRUCTURES DU CODE
Les structures de ce code peuvent être organisées d'après deux critères : - la nature des droits forestiers ; - l'objet des législations forestières.
Le code français utilise ces deux méthodes. Cela n'est pas un choix rationnel mais résulte des legs de l'histoire. Une longue pratique et une réflexion en ce domaine incite à penser que l'élaboration d'un code suivant une méthode liée aux objectifs est préférable, car il n'y a, sommes toutes, guère de différences entre une forêt publique et une forêt privée. Seules des contingences politiques et juridiques peuvent conduire à l'opinion contraire. Mais on observera que même le code forestier français, basé sur la notion de propriété depuis Charles X, a tendance à s'aligner sur la méthode des objectifs ( ).
Au delà des grandes structures, la nature des droits peut être à nouveau utilisée comme sous-critère, pour indiquer les particularités éventuelles de telle législation forestière sur tel sol public ou privé ...
3. LA REPARTITION DES ARTICLES
L'Etat de Droit est basé sur le principe de la séparation des pouvoirs, qui conduit au moins à la la dualité des règles de droit : les lois, les actes réglementaires. Ce principe implique que tous les actes forestiers sont répartis entre ces deux catégories de normes. Il y a là la source d'une difficulté indiscutable dans le maniement des codes.
Comme cette division ne paraît pas pouvoir être remise en question en raison de sa cause politique précitée, il revient au rédacteur de réduire cet inconvénient par une méthode de composition typographique appropriée.
4. L'ELABORATION : L'ASSOCIATION DES COMPETENCES
Le rêve d'un concepteur unique envisageant et réglant tous les problèmes n'est plus de notre époque de haute complexité, pour peu qu'il ait jamais pris corps. L'élaboration d'un Code forestier est une tâche de très grande envergure qui nécessite diverses associations. La plus importante, et que nous avons expérimentée, est celle du juriste forestier et de l'administrateur forestier.
Il faut prendre conscience que la législation résulte d'abord du fait (v. la célèbre formule " Jus nascitur de facto "), mais génère ensuite le fait. En d'autres termes, il appartient au forestier de recenser les problèmes qu'il rencontre et d'envisager les moyens de fait pour les résoudre. Il revient alors au juriste, après avoir pris connaissance de ce bilan et si possible concrètement, de mettre en forme légale ces moyens de fait ; il doit aussi proposer grâce à sa connaissance des lois d'autres moyens. De cette interaction, étonnamment riche, naît une oeuvre efficace.
Au stade de la prise en compte du fait, d'autres compétences peuvent être requises, comme celle des sociologues pour mieux comprendre les structures sociales locales dont les usages doivent inspirer les lois forestières.
Cette interdisciplinarité est une donnée élémentaire. En raison du degré actuel de complexité des disciplines en cause, il est illusoire de vouloir mener à bien ce type de tâche en en faisant l'économie.
5. LA REFERENCE A D'AUTRES LEGISLATIONS
La compatibilité des législations forestières proposées doit être organisée par rapport aux autres législations de même origine nationale. Ainsi, dans notre expérience, le statut des forêts maritimes (mangroves) posait le problème de la compatibilité du régime forestier et du domaine maritime.
Par ailleurs, l'étude des modèles étrangers est bien sûr source d'enrichissements. Tel peut être le cas en France avec le concept de domanialité privée des forêts publiques.
Conclusion
Ces quelques notes sur l'élaboration des codes forestiers ne peuvent être que sommaires et incomplètes, compte tenu du fait qu'elles sont issues d'une expérience localisée, et de la grande étendue de ce problème. Elles n'en sont pas moins un canevas pouvant être utiles à d'autres ouvrages.
Enfin, faut-il rappeler combien inutiles sont les efforts de cette sorte si toutes les personnes intéressées à leur application ne les comprennent pas. D'où l'utilité, toujours recommencée, de la formation initiale et continue.
2. En cours de traduction.