LE LOUP BLANC ET L'HERMITE
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Le loup blanc et l’ermite
Il était une fois, une harde de loups qui vivaient dans une forêt profonde.
Un jour, une louve eut une belle portée de louveteaux.
Mais l’un d’entre eux était blanc, et cela ne s’était jamais vu.
Certains loups disaient qu’il fallait abandonner ce louveteau dans un coin reculé de la forêt.
Mais le chef de la harde, un vieux loup au pelage gris, s’y opposa en disant :
- si nous l’abandonnons, il ne tardera pas à mourir sous la dent du renard ou de l’ours ; nous ne pouvons pas faire cela.
Comme le sens de la solidarité est très fort chez les loups, - puisqu’on dit bien que les loups ne se mangent pas entre eux - , la harde fut d’accord pour conserver cet étrange louveteau.
Le petit loup blanc vécu donc dans la harde.
Il apprit comme tous les autres, à courir, à sauter, à faire perdre sa trace en marchand dans les ruisseaux, à chasser le lièvre, le chevreuil ou les oiseaux, à reconnaître les champignons et les plantes, à humer l’odeur du vent, et bien des choses encore.
Et il grandit. Il devint un loup fort, agile, et n’avait pas son pareil à la course, au grand étonnement des anciens loups, qui se mirent même à l’admirer.
Le loup blanc vivait heureux.
Un jour de malheur vint.
C’était un jour de grande chasse.
De nombreux chasseurs à cheval, armés de fusils, pénétrèrent dans la forêt.
C’était des louvetiers, chargés d’exterminer les loups par tous les moyens.
Ce jour là, ils firent grand carnage.
La harde leur fit d’abord face, mordant les ventres des chevaux, faisant tomber les cavaliers.
Puis, comprenant qu’ils allaient au massacre, les quelques loups qui restaient se dispersèrent.
Le loup blanc courut de toutes ses pattes à travers les halliers, au plus profond de la forêt.
Petit à petit, les hurlements de la meute de chiens, lancée à sa poursuite, s’estompèrent.
Il s’arrêta alors, le souffle court, et le pelage ensanglanté de toutes les épines qui l’avaient lacéré.
Quand il regarda autour de lui, il s’aperçut qu’il ne connaissait pas cette partie de la forêt.
Et il était tout seul.
Comme il ne vivait plus en meute, la chasse au grand gibier lui était interdite.
Il se contenta de petits animaux, des rats, des mulots, mangeant jusqu’aux escargots.
Mais ce régime était léger pour un loup de sa taille, et il devint maigre et efflanqué.
Un jour où il explorait son nouveau domaine, il arriva dans une clairière au centre de laquelle se dressait une petite chaumière.
Un ermite vivait là, près d’une source.
Il était sur le devant de sa porte, plongé dans la lumière.
Ce fut le loup qui le vit en premier, et comme il avait toujours appris que l’homme était mauvais, il ne se montra pas, et observa l’ermite.
Celui-ci bougeait peu, et avait des gestes calmes et mesurés.
Le loup blanc revint plusieurs jours de suite, attiré par une curiosité instinctive.
Un matin, il céda, et fit quelques pas en avant, sortant des feuillages.
Le regard de l’ermite se porta sur lui, grand et doux. Alors l’ermite lui dit :
- viens mon loup, viens. Tu es bien maigre.
J’ai peu de choses, mais il me reste un morceau de lièvre ; je vais te le donner.
Quand l’ermite se leva pour aller chercher le morceau de viande, le loup blanc eut peur, et gronda en découvrant une rangée de canines impressionnantes.
Mais l’ermite resta tranquille et entra dans sa chaumière.
Quand il ressortit, il jeta le morceau de viande devant le loup.
Celui-ci s’en saisit, et comprit immédiatement que l’homme ne lui voulait aucun mal.
Plusieurs jours de suite, la même scène se répéta ; le loup devenait de plus en plus familier.
Et bientôt l’ermite le tutoya :
- dis donc, toi, si tu veux rester avec moi, on pourrait s’aider.
Je te donnerai à manger, et toi, tu me seras peut-être utile un jour ?
Le loup blanc comprit très bien qu’il pouvait rester avec l’homme.
D’ailleurs, cela faisait un temps qu’il ne s’éloignait guère des alentours de la chaumière, comme par une sympathie naissante, comme si le cœur de la harde s’était renoué dans la clairière.
Alors, pour la première fois, il rentra dans la chaumière.
Le sol était en terre ; il n’y avait qu’une paillasse de joncs tressés, une chandelle de graisse, une petite cheminée et quelques instruments de cuisine.
Le loup s’y sentit tout de suite chez lui, et il apprécia vite la proximité du feu, quand l’hiver arriva.
Depuis ce jour où il était entré, il ne quitta plus l’ermite.
Quand celui-ci allait chercher des herbes, ou des champignons, le loup blanc trottait toujours auprès de lui.
Il arrivait même au loup d’écraser avec la patte un champignon que l’ermite ne connaissait pas, pour lui indiquer ainsi qu’il n’était pas bon ; surtout les champignons rouges.
Et parfois, comme tous ses ancêtres, il grattait avec ses griffes acérées le sol, pour extraire des bulbes ou des racines, que l’ermite par la suite faisait bouillir, et qu’ils mangeaient le soir, tous les deux - car ils ne prenaient qu’un repas par jour, le soir.
Un matin, alors que l’aube envahissait la clairière, ils entendirent un bruit.
L’ermite regarda par la fenêtre :
- des brigands, dit-il, et ils sont trois ! Comment vais-je faire, je suis trop vieux pour me défendre !
Alors le loup lui dit (car ils se comprenaient très bien) :
- je vais me cacher derrière la porte, et tu verras ...
Les brigands frappèrent à la porte, et menacèrent de la casser si on ne l’ouvrait pas.
L’ermite alla ouvrir.
Les brigands rentrèrent et dirent :
- Donne-nous tes pièces, tu dois bien avoir de l’or caché quelque part ?
L’ermite leur répondit :
- je n’ai pas d’argent, et n’en ai pas besoin.
Quand j’ai faim, je pêche le poisson, ou chasse le lièvre, ou cueille des nèfles dans la forêt.
Et pour le reste, je n’ai besoin de rien.
- tu mens, répondit violemment un brigand, les gens comme toi bénéficient de charités, et enterrent leur or.
Et il allait s’emparer de l’ermite, lorsque qu’une boule de crocs et de griffes sauta sur lui, et le mordit atrocement au cou et dans le dos.
L’homme jeta un hurlement de douleur.
Un autre brigand voulut assommer le loup blanc, qui s’acharnait, mais ne réussit qu’à asséner un grand coup de gourdin sur la tête d’un de ses amis.
C’était une fameuse bataille.
Dans cette masse de corps on ne voyait luire que les terribles canines du loup blanc qui mordaient de droite et de gauche, avec une agilité diabolique.
Le sang coulait, tant et si bien que les brigands tournèrent casaque et sortirent en courant de la chaumière.
Le loup blanc leur mordait les jarrets.
Quand il revint, l’ermite passa sa main dans l’échine dressée en bataille, et le loup petit à petit se calma ; il lécha la main du saint homme en signe de fidélité et d’amitié.
Depuis cette bataille, l’ermite et le loup vécurent en paix.
Ils firent bien des escapades en forêt, l’ermite armé de son bâton, et son éternel compagnon trottinant auprès de lui, fouinant, musardant.
Les printemps passèrent, et chaque année nouvelle ramenait des teintes blanches dans la chevelure de l’ermite, qui ressemblait de plus en plus à son loup.
Et l’ermite devint si vieux, si vieux, qu’un jour d’automne, à la saison des colchiques violets, il rendit son âme à Dieu, en serrant une petite croix dans ses doigts.
Ce qu’on eut pu voir alors, personne dans le monde des hommes ne le sait.
Mu par un étrange sentiment, ou un instinct profond, le loup, de ses fortes pattes, creusa un long trou près de la chaumière.
Puis, délicatement, il tira le saint homme par sa robe de bure, et le laissa choir dans le trou.
Puis, de ses pattes de derrière, il remit la terre, qui fit un petit monticule.
Et il s’allongea dessus, regardant fixement l’orée de ses grands yeux fendus.
Il ne s’éloignait guère que pour chasser.
Et les oiseaux de la forêt qui pépiaient tout autour de la clairière, purent voir longtemps le grand loup blanc allongé tristement sur la tombe, relevant de temps à autre la tête pour humer l’air.
Les lunes passèrent.
L’hiver vint.
Les loups savent d’instinct, qu’il leur faut impérativement bouger pour échapper au froid.
Mais le loup blanc avait choisi.
Il ne se levait plus, et il lui semblait qu’il appartenait déjà à cette neige, qui tombait tout autour, blanche comme lui.
Un matin de gel intense vit le corps du loup raide comme un bâton.
Son pelage scintillait de mille éclats de glace.
Le grand loup blanc était mort.
On eut dit que la forêt était endeuillée.
Il neigea sans interruption pendant sept jours.
La neige recouvrit tout.
Les formes du loup couché sur la tombe avaient disparu.
Et puis, le printemps vint.
Les perce-neige éclorent, puis les jonquilles et les anémones.
Un jour, l’Enchanteur, qui aimait à arpenter les sentes forestières, passa par-là, et vit le corps du loup et le monticule.
- Qu’est-ce là ? dit-il.
Et, comme il entendait le langage des oiseaux, il avisa un rouge-gorge qui le regardait fixement de son grand œil brun, parfaitement rond, perché sur une branche, et lui répéta la question.
Alors l’oiseau lui raconta l’histoire.
L’enchanteur en fut ému, et laissa même tomber une larme.
Puis il dit :
- voilà de belles vies, dans l’amitié et la fidélité.
Elles méritent récompense !
Et s’emparant d’une baguette de coudrier, il prononça quelques mots.
Depuis, certains hommes - et j’en suis - ont pu voir, les nuits de lune pleine, une silhouette blanche qui se faufile entre les hauts fûts des forêts, le bâton à la main, se penchant ici et là pour cueillir d’invisibles fleurs.
A côté de lui, trotte, claire dans l’ombre, l’inséparable silhouette d’un loup blanc.
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