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Midi. Sur le portail, la vigne vierge rouge
Contourne une urne vide et pend dans le chemin.
Le train passe. Le clocher sonne. Les pins bougent.
Une cigale grince au tronc de chaque pin.
Au bord de l'ombre bleue et mauve de la treille,
La guêpe mince rôde en quête d'un fruit mûr
Et, pressant le pollen de ses pattes, l'abeille
Féconde, en les frôlant, les roses de ce mur.
Ces bruits ont fait vibrer le vide de l'espace
Creusé par le silence, àl'infini, là-bas.
Dans mon rêve comme eux ta voix passe, repasse,
Traverse son silence et ne le trouble pas.
J'aime ta voix. Enfant, je rêvais comme on joue,
Mais, surtout, j'écoutais les voix, jusqu'àsouffrir
Lorsque ces voix baissaient et venaient se mourir
En caresses, sur mes cheveux et sur ma joue.
Depuis, avec l'amour et les roses d'été,
Je connus une voix tiède comme la tienne.
Les mots qu'elle disait étaient désenchantés,
Mais il n'en est plus un dont mon cœur se souvienne ;
C'est étrange ; il n'en a gardé que la douceur.
Elle disait : Mon frère et je disais : ma sœur
Et, quand je l'écoutais, mon âme fondait toute.
Et, comme le nageur, dans la nuit verte, écoute,
- En écartant, de ses deux bras, sur l'eau qui dort
L'image de la lune et des étoiles d'or, -
Le lointain aboiement des chiens noirs de la ferme
Et le frémissement de l'ombre sous le bois
Et, ravi, s'abandonne, et va, d'un bras moins ferme
Sentant le ciel et l'eau l'entraîner àla fois,
Je me laissais aller au fil de cette voix. |