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LE SENTIER DE THE

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LE SENTIER DE THE

Le sentier de thé

« L’homme a le destin de l’étincelle » Louis Aragon, Elsa.

« Si quelqu’un demande ce qu’est le ... Zen ...

S’il vous plaît, exposez ... votre posture.

Alors le vent du printemps soufflera et fera éclore la merveilleuse floraison du prunier. »

« La fleur de cerisier fleurit et passe avant l’été »

Quand Oshiiro arriva au monastère zen perdu au flanc de la montagne, l’automne était déj� bien avancé.

La forêt habillait les rochers d’un manteau de houle rouge sang.

La sente de pierres grises était jonchée de feuilles d’érable aux contours échancrés comme une côte marine.

Une pluie aussi fine qu’une soie vernissait ce sentier ; les dalles et les feuilles reflétaient les nuages qui passaient au galop dans le ciel délavé.

Tout au long du chemin, de grands arbres avaient monté une garde amicale au frêle pèlerin, et le murmure profond du vent dans les branche tressées l’avait accompagné.

A cette époque, Oshiiro avait vu seize fois la montagne drapée d’écume blanche, et il était encore comme un jeune moineau.

Aussi, pour l’initier au vol calme et souverain de l’aigle, son père avait-il réussi � lui obtenir la voie du monastère.

Sa mère et ses frères et soeurs avaient pleuré � son départ, et quand le nid chaud s’effaça dans son dos, Oshiiro se sentit comme une barque sur l’Océan, comme une algue sur les flots enlacés, il eut froid.

Mais muni de son sac et de son bâton, il avait pris le chemin de la montagne où il se savait attendu.

Un moine vint ouvrir la lourde porte du monastère.

Il avançait comme un souffle d’air chaud sur la mer, silencieusement, flottant au-dessus du sol, et un sourire mince comme le dernier croissant de lune ornait son visage.

- que viens-tu faire ici ?

égrena-t-il de quelques mots aussi vifs et rapides que le bond plongeant de l’aigle des mers vers sa proie.

Oshiiro expliqua son affaire avec l’embarras de son âge.

Alors le moine, qui continuait de sourire, lui dit :

- tu vois cette grosse pierre, lÃ? ?

Et bien assieds-toi, je reviendrai te prendre.

Et il referma la porte sur ses pas.

Oshiiro s’assit sur la pierre blanche qu’enserraient les racines d’un hêtre fauve.

L’heure s’écoulait inlassablement dans le sablier, et le soir vint.

Oshiiro alla frapper Ã? nouveau Ã? la grande porte, mais personne ne vint.

Les ombres des arbres couvraient maintenant le sol, s’étendant de plus en plus ; on aurait dit qu’elles s’allongeaient pour la nuit.

Le Grand Veilleur alluma les étoiles les unes après les autres, qui scintillèrent � travers les nuées comme les fanaux d’une jonque dans le lointain des mers.

Oshiiro sortit de son sac un rouleau de joncs tressés, une mince couverture et un billot de bois pour sa tête, et s’allongea � son tour, près de la pierre blanche, comme il faisait quand il était petit près du corps pâle de sa mère endormie.

La courbe des longs yeux de sa mère faisait encore le tour de son cœur.

Et pour la première fois, comme une vague triste qui déferle, la perception de sa solitude l’envahit.

C’était l’immensité qui le glaçait : la nuit avait tout transformé, le ciel, la terre, et la forêt, en une immense nasse sombre ; il se recroquevilla.

Seule la haute silhouette arquée du temple se détachait.

Cette nuit-l� , son âme erra teintée de désespoir dans l’abandon des déserts nocturnes.

Au matin, ce qui l’éveilla, ce fut un tremblement d’air et de clartés diffuses qu’il perçut � travers ses paupières encore alourdies par le ressac de la nuit.

Un roitelet sautillait � côté de lui, pourchassant quelque mouche invisible, la courte queue relevée vers le ciel.

Il dardait un œil rond, intrigué de la présence incongrue du jeune homme en ce lieu.

Oshiiro avait appris que près des monastères, les animaux pouvaient parfois comprendre les hommes ; aussi lui adressa-t-il ces mots :

- oh toi, petit roi, qui n’a pas de souci, me diras-tu si l’on m’ouvrira la porte aujourd’hui ?

Mais le roitelet continua sa course sautillante, en tournant de temps � autre son œil étonné vers Oshiiro.

Celui-ci se leva, se dirigea vers la porte et frappa.

Le même moine vint lui ouvrir :

- encore toi ?

dit-il ; sois patient, mon fils, je reviendrai te prendre !

Il referma la porte.

Oshiiro attendit toute la journée.

Il faisait beau ; il regardait le vent dans les feuilles des érables rouges, la course bondissante des nuages par-dessus les frondaisons des arbres, et les reflets des hautes cimes qui se gantaient des premières neiges.

Le soir, il se demanda, voyant toujours la porte close, s’il n’allait pas redescendre dans la vallée, chez son père et sa mère.

Mais il resta, le cœur serré, et se recoucha � l’ombre des étoiles.

Le lendemain, quand le moine vint lui ouvrir pour la troisième fois, il arborait un sourire de contentement, et lui dit :

- tu es toujours lÃ?

C’est bien.

Rentre maintenant, et sache que dans notre temple, tu viens de passer la première épreuve.

Si tu n’as pas abandonné, c’est que ton âme est proche de la lame du sabre.

Elle est peut-être encore mince et effilée, mais elle est sans doute bien trempée.

Viens !

Le moine vêtu de bleu, et l’enfant hésitant, allèrent sur une allée de sable jaune qui s’assombrissait sous l’eau fine du ciel.

C’était deux vaisseaux sur la mer calme, l’un � haute mature, l’autre sans ancre.

Les voiles du premier embrassaient amoureusement le vent et le poussaient vers l’abri du rivage, tandis que le second pointait vers le large inconnu.

Un Torii vint Ã? leur rencontre.

C’était deux mats peints en rouge sang, traversés de deux poutres horizontales dont la supérieure s’arquait vers le ciel.

Un gingko biloba aux branches longuement étalées semait une pluie de pièces d’or vibrantes de lumières au-dessus.

Le moine bleu s’arrêta, immobile dans l’air frais traversé de pluie.

Oshiiro s’amusa � compter les feuilles qui tombaient, et voletaient indécises, de ç� , de l� , comme des papillons, dans un silence doux.

Et l’instant s’écoula, comme un ruisseau qui court � l’abandon.

Nul n’en devinait les bornes ; jusqu’où s’étendait-il ?

Etait-ce le torii qui le délimitait ?

Ou les chutes des feuilles qui scandaient les secondes ?

Ou le moine bleu éphémère et limité, présence étonnante sous le grand arbre émerveillé de clartés.

Et la pluie lÃ? -dessus qui longuement passait.

L’enfant sautillait comme le roitelet du matin ; alors le moine se remit en marche.

Ils montèrent un escalier aux courtes marches et rentrèrent dans le temple.

Depuis ce jour - Oshiiro se souviendrait longtemps de ce jour où Murata (le moine bleu) vint lui ouvrir les portes du rivage - commença pour lui la révolution du brin de paille.

On l’initia � pratiquer le geste, l’attitude et la pensée juste.

Il apprit � contempler l’écoulement du temps dans le moindre frémissement des arbres, de la lumière et de l’eau.

Il sentit grandir en lui l’image du crépuscule de l’homme � travers l’automne.

Les feuilles jaunes du ginko évoquaient maintenant la sagesse dorée de la vieillesse courbée par le poids de l’hiver comme les branches couvertes de neige.

Il apprit � entendre le bruit clair du plongeon des grenouilles dans l’étang, et � en mesurer l’écho dans son âme.

Il perçut chez un vieux maître de calligraphie qu’écrire un caractère était un art des cimes aussi périlleux que celui du sepuku.

Le tracé de l’arrondi des lettres ou du départ écrasé d’un trait � l’encre s’accompagnait d’un vertige comparable � celui qu’on ressent sur les hautes crêtes.

L� aussi le geste juste était la règle.

Il apprit que rien ne devait être abandon.

***

Au printemps de ses vingt ans, il eut l’autorisation de redescendre � Tokyo pour aller au parc d’Ueno avec sa famille.

C’était la saison des cerisiers en fleurs.

De la montagne d’où il descendait, on ne voyait que des bouquets rose pâle sur les collines et sur la plaine.

Un parfum frêle et doux emplissait l’air.

Dans le parc, la lumière elle-même était tendre � travers les corolles.

La foule s’asseyait � l’ombre légère des cerisiers.

Une légère brise océane faisait onduler gracieusement cette multitude de fleurs au-dessus des têtes.

Il remarqua tout de suite la silhouette de son père coiffé d’un petit chapeau vert, entouré de ses enfants.

Avant même qu’Oshiiro ne les eut rejoints une vague de tristesse le toucha.

Et son père, en le serrant contre lui, lui dit :

- « Oshi, ta mère est morte il y a deux mois » et il ajouta : « nous ne te l’avons pas dit plus tôt, tu sais pourquoi ».

Tout le monde se serra autour du jeune moine.

Oshiiro, en dépit de la sagesse acquise, sentit son âme grise et puissamment serrée.

Il eut l’impression très nette de voir un Samouraï blanc qui d’un coup de sabre précis venait de trancher son cœur en deux parties.

La lame étincelait de sang.

Il vit aussi l’autre moitié qui s’éloignait dans la nuit, palpitant d’une terrible absence.

Les fleurs des cerisiers embaumaient comme avant et leurs silhouettes dentelées jouaient sur le sol en taches d’ombres roses et d’éclats de lumière.

La foule autour riait sous le soleil de printemps.

Quand, dans les jours qui suivirent, il eut rendu les honneurs � sa mère d’après le rite bouddhiste, Oshiiro reprit le chemin du monastère.

Avant de partir, il embrassa son père.

Celui-ci restait digne, raide comme sur ces photos de l’armée impériale.

Mais Oshiiro savait qu’ils n’avaient besoin ni des mots ni des pleurs pour se comprendre.

Le regard de son père profond comme un abîme et l’attitude juste parlaient sans équivoque et puissamment.

Son père lui remit en ultime souvenir un bijou de sa mère, un scarabée vert luisant qu’Oshiiro agrafa sur son kimono.

***

Quelques mois après, l’âme coupée du jeune moine le poursuivait toujours.

Un jour où ses songes l’avaient conduit � rester au bord de l’étang ordonné du monastère, Murata, le moine bleu, vint s’asseoir silencieusement � côté de lui, puis lui dit :

- Je sais ce qui t’afflige. La plupart des mots ne sont qu’ornements vains.

Je ne t’en dirai que peu.

Et il ajouta :

- L’issue de toute poésie est elle-même froide et triste.

La neige qui tapisse les rizières, le pin sur un rocher qui mêle ses branches aux nuages, ou l’herbe discrète � tes pieds ont leurs poèmes que nous autres cherchons et certains y voient l’essence de la beauté.

Le « Dit du Heiji » ne dit-il pas : « la beauté est la fleur du bonheur » ?

Et il tendit le bras, d’un geste mesuré qui appartenait au calme des roseaux alentour, des billots du gué dont la tranche luisait sur l’eau comme un miroir de métal, et des lotus aux fleurs rouges et jaunes.

Il montra un arbre au tronc clair.

- Vois-tu ce jeune bouleau ?

Il vient de perdre une feuille, qui flotte maintenant.

Cette feuille, dans quelques lunes, ira se décomposer au fond, et c’est dans son corps mort que les racines du lotus puiseront les forces de la fleur qui s’épanouit � la clarté solaire.

Après un silence, il continua :

- Nous sommes tous semblables � cet arbre, qui naît, vit et meurt.

Mais lui a plusieurs vies : dans la même saison, il fleurit, déploie ses feuilles puis les perd.

Nous, nous n’avons qu’une floraison.

Et comme lui, nos idées, nos illusions tombent autour de nous, et les êtres qui nous entourent.

Nos feuilles s’amoncellent une après une, dès le printemps de notre vie.

Il ne reste que les branches nues.

D’un léger sourire :

- le bouleau a-t-il souffert ?

lui seul le sait.

Le désir de vie est souffrance.

Les deux moines étaient assis au bord de l’eau.

Le soleil en feu se diluait � la surface de l’étang, comme l’éclat de la lame d’un sabre tâchée de sang qu’on y aurait plongé.

La pluie tombait sur le chrysanthème fané et coulait grise dans le ruisseau. Ainsi du cœur d’Oshiiro.

***

Les années s’écoulèrent comme les neiges s’amoncellent sur les monts au-dessus des nuages.

Un jour de violettes blotties auprès des cascades d’un printemps, alors qu’Oshiiro était occupé � balayer, un curieux personnage, d’une cinquantaine d’années, chauve, armé d’une besace et d’un bâton, le regard empli de malice, et la démarche droite, arriva au monastère.

Il posa cette question espiègle :

- � quoi te sert, jeune moine, de balayer cette allée ?

Oshiiro occupé � ses pensées comme les feuilles dans le vent, s’interrompit, et se tourna vers l’étranger.

Il émanait de celui-ci une singulière force de joie.

Il répondit, d’après l’un de ses enseignements :

- et si je ne balayais pas, comment saurais-je ce que c’est ?

- bien répondu ! fit l’autre, car le vent fait aussi bien que toi, mais tant que tu es l� , tu es autre chose que lui !

Pourtant - ajouta-t-il - cela fait un instant que je t’observe, et il me semble qu’il agite tes pensées ?

Oshiiro fut impressionné par cette remarque et son trouble remonta � son visage, comme la surface d’un étang qui s’orne de cercles concentriques sous le lancer d’un caillou.

Il ne répondit pas.

L’autre lui tapa sur l’épaule avec un grand sourire et lui dit :

- laisse-l� ton balai, et conduis-moi au Supérieur.

Et tous deux ils remontèrent l’allée de sable jaune bordée de conifères sombres qui conduisait au temple.

Quelques jours après, les moines s’affairaient � dégager l’accès d’un petit temple aux confins des limites du monastère.

C’était une bâtisse en bois abandonnée depuis longtemps, et couverte d’un toit d’ardoises grises.

Elle était posée dans la forêt comme un nid sur une branche.

De tous côtés ce n’était que feuillages rouges et tremblants, au sein desquelles le temple faisait une tache violacée.

Maître Oritsu - c’était le nom de l’étranger - avait obtenu la possession de ce temple.

A charge pour lui de l’aménager en fonction de son art.

Il avait été maître de thé d’un grand seigneur, et venait ici approfondir sa voie.

On le vit peu souvent se promener dans les allées, ou s’asseoir � l’ombre des bois sacrés, mais quand il se mêlait aux moines, il avait toujours aux lèvres le sourire discret d’un rayon de lumière sur les magnolias roses trempés de la pluie du printemps.

Et dans ses yeux passait la longue danse des nuages.

***

Deux ans après son installation, un jour d’été brûlant Oshiiro lui rendit visite.

Les abords du temple de la forêt avaient changé.

Un premier jardin en bordait l’accès.

Il était composé d’essences résineuses et de lauriers qui durant l’hiver avaient maintenu leurs masses sombres sous la neige.

L’ayant traversé, Oshiiro se faufila � travers une étroite porte qui l’introduisit dans un second jardin planté d’essences � fleurs.

Il cheminait sur une allée de pierres plates qui lui montraient la voie d’une petite bâtisse en bois sise devant le temple, sous un grand érable dentelé.

Celle-l� devait avoir trois mètres de côté, guère plus. Quand Oshiiro arriva silencieusement devant l’édifice, il vit � travers une petite porte ménagée en façade Maître Oritsu assis en face de lui.

- Rentre ! lui dit celui-ci.

Oshiiro se dépouilla du sac qu’il portait en bandoulière, et s’inclina pour entrer.

Précisément, il se mit � quatre pattes, car l’ouverture était étroite, et se présentait sous forme d’un carré de soixante centimètres de côté.

Une fois � l’intérieur, il se releva, salua, et s’assit en face du maître.

Les murs de la pièce avaient été crépis, et dans le crépi brillaient des éclats de limaille de fer qui déj� s’oxydaient, se tachaient d’une rouille brune

Deux petites fenêtres s’ouvraient de part et d’autre, mais on ne voyait aucun paysage car la vue était masquée par des arbustes.

Dans le dos du maître, suspendue au mur, une petite branche de fleurs de cerisier étalait discrètement des corolles roses et fraîches.

En-dessous, une feuille de riz était déroulée, sur laquelle on avait calligraphié un court poème avec art.

Un silence majestueux et imposant était descendu entre les deux hommes, comme le manteau blanc tapisse les flancs de la montagne.

Maître Oritsu se tourna sur sa droite et fit chauffer l’eau.

Devant lui un bol était posé dont le bleu délavé se mariait étrangement avec le rose des fleurs de cerisier.

On aurait dit que le maître avait découpé sur le ciel la branche de cerisier, pour en séparer le rose des fleurs et rouler ses instruments en céramique dans les nuages pâles, si bien que les limites du rose et du bleu se teintaient mutuellement et qu’on n’en voyait plus nettement les contours.

Il y avait lÃ? une harmonie tonale.

Le maître versait l’eau dans le bol au fond duquel se trouvait la poudre de thé vert.

Il forçait le mélange avec une spatule qui semblait avoir été forgée par les siècles, tant la fibre noueuse du bois s’ornait de mille craquelures, de mille figures inattendues.

Puis il saisit un fouet en bambou et fit mousser le thé.

Enfin, il tendit le bol Ã? Oshiiro.

Celui-ci éleva le bol � hauteur de ses yeux, le tourna. Il but le thé, il but l’instant, il but l’éternité de l’instant.

Le thé entra en lui comme une rivière qui s’étale dans la plaine, doucement.

Il lui semblait qu’il s’abandonnait � ce flot, qu’il devenait rivière, qu’il devenait l’instant.

En face, Maître Oritsu exprimait une forte présence enracinée dans la tranquillité.

Puis, ils échangèrent quelques mots.

Oshiiro apprit que tous ces objets de la voie du thé avaient été fabriqués par d’illustres artisans, réputés pour leur art en ce domaine, et avaient été pieusement transmis de main en main par plusieurs générations de maîtres.

Si bien que les mains qui se posaient aujourd’hui sur ces objets ne faisaient que reproduire exactement les mêmes gestes qu’il y a deux ou trois siècles, et s’identifiaient ainsi aux mains défuntes.

Il y avait � travers ces pots et ces bols de céramique l’immanence, la fugacité et en même temps la permanence des êtres et des choses.

***

Par la suite, les deux hommes se virent souvent.

Il y avait entre eux une certaine harmonie.

Un jour, Oshiiro apprit le décès brutal de son père.

Il vit dans un éclair le samouraï blanc et quelque chose qui roulait dans l’abîme.

Il se rendit immédiatement sur les lieux.

Ses frères et soeurs l’accueillirent tristement.

Il fut heureux de les revoir.

Mais quand chacun revint dans son monde, il remonta dans sa montagne.

Seule l’accompagnait désormais sa solitude.

Maître Oritsu l’accueillit avec une expression de sentiments qui n’était pas d’usage en ce milieu, mais naissait des circonstances.

Par la suite, il lui témoigna une certaine amitié.

Murata, le moine bleu, s’en aperçut.

Un jour, il entretint Oshiiro, et lui dit cette image :

- L’homme est une barque qui navigue d’abord dans un torrent impétueux, puis dans la plaine calme, et enfin dans l’immensité de la mer ; mais � aucun moment il ne peut changer de barque ;

Oshiiro demanda :

- et si l’on veut suivre une autre barque ?

Le moine bleu, sans l’ombre d’un sourire répondit :

- suivre ?

il viendra un jour où le courant t’emportera ailleurs ; et si tu veux t’arrimer, le courant cassera le lien !

Et parfois le courant c’est toi-même.

Dans l’un ou l’autre cas, tu seras plus perdu qu’avant.

L� n’est pas la voie.

Un grand tamarinier, aux branches poudrées de rose frémissait � ces paroles.

Mais sous lui, quelques jacinthes bleues conféraient :

- encore pour nous, qui ne pouvons pas changer de place, cela se comprend ; mais eux, qui bougent constamment, et croient ainsi exister, Ã? quoi leur sert donc ce mouvement ?

Et une autre, coquette poursuivit :

- oui mais nous, nous avons aussi notre parfum qui voyage, se mêle et s’entremêle avec le vent, l’air et les autres parfums ; La dernière acheva en se rengorgeant :

- Et nous sommes parfois fanées, que notre parfum flotte encore, inconsistant, � travers des paysages que nous n’avons jamais vus, dernière trace de notre existence.

Quelle élégance !

Oshiiro n’avait pas entendu ce langage des choses muettes, et comme son âme frêle et mutilée ne voulait rien entendre, il ne retint pas les paroles du moine.

Ces paroles s’effacèrent � l’instant même où elles avaient été prononcées.

Seul, un léger sourire émergeait du vide.

***

De nombreuses floraisons de cerisiers illuminèrent les collines, puis allèrent joncher les chemins de leurs pétales fanés.

Une nuit, Oshiiro fit un rêve terrible.

Il était dans un champ de galets gris.

Un étrange brouillard se déplaçait en nappes, masquant ou démasquant le paysage � grande vitesse.

Il n’y avait pas de soleil, seule une clarté diffuse régnait.

Une certitude :

le fond du champ était noir.

Devant lui, � quelque distance, marchait un homme, d’un pas pressé.

Bien que celui-ci lui tournât le dos, Oshiiro savait très bien qu’il s’agissait de Maître Oritsu.

Oshiiro lui courait après, mais quoi qu’il redoublât d’ardeur, la distance entre lui et le Maître augmentait.

Et puis, il tombait sans cesse sur les galets du champ infernal, alors que le Maître avait un pas assuré.

Quand il se relevait, blessé, il criait le nom du Maître ; alors celui-ci se retournait un instant, et son clair visage apparaissait.

Il semblait � la fois heureux de voir Oshiiro, tout en désapprouvant sa conduite.

Puis, lentement il se détournait, et reprenait sa marche.

Alors Oshiiro continuait � l’appeler, d’un ton de plus en plus aigu, désespéré.

Et puis, le Maître marchait, marchait, et finalement disparut happé par une nappe lointaine de brouillard.

Oshiiro se réveilla en sueur.

L’aube pointait, et la lumière claire paraissait irréelle après un pareil message.

Il se précipita hors de sa cellule, dévala les marches du temple.

Il pleuvait doucement.

Les glycines mauves et frêles fleurissaient.

La pluie passait sur elles comme un pleur sur un visage.

Le visage d’Oshiiro pleurait de pluie et de larmes.

Quand il arriva au temple de la forêt, si familier, il cria :

- Maître, Maître !

Quand il rentra dans la cellule, il n’y avait personne.

Pas plus que dans le temple.

Il fit le tour de celui-ci, et trouva Maître Oritsu assis sous un grand Kiri no Ki .

Plus précisément, il était adossé au tronc.

Un long filet rouge coulait sur son kimono et se diluait sous la pluie.

Dans l’herbe, la lame effilée d’un petit couteau jetait un clair éclat.

Maître Oritsu, traditionnellement, s’était ouvert la veine jugulaire, avec dextérité.

Oshiiro revit alors le Samouraï blanc.

Il n’avait aucun visage, ou plutôt aucun sentiment.

Seule la lame du sabre brillait.

Mais il y avait dans cette attitude un enseignement des hauteurs.

Oshiiro resta longtemps assis sous la pluie.

Quand il revint, il se leva, et s’inclina, respectueusement.

Quand Murata, le moine bleu arriva, ils se saluèrent.

Alors, Oshiiro revint dans le temple de la forêt.

Dans sa hâte de tout � l’heure, il n’avait pas vu le bouquet.

Ce n’était pas des chrysanthèmes impériales, ni des pivoines.

C’était trois fleurs des champs, cueillies peu avant, et disposées dans un vase bleu.

Il y avait dessous un rouleau, avec une calligraphie.

L’encre avait � peine séché.

Oshiiro savait ce qui était écrit.

Il se réjouit profondément et simplement de la perfection nouvelle des tracés ancestraux, qui signifiaient : Wabi.


9 juillet 2001, Acca, accident de chasse, Affouage, Arbre, Association syndicale, Avocat environnement, Bandite, bois, Bois communaux, Boisement, Bourdaine, Champignon, chasse, Chasse en forêt, Chemin d’exploitation, Chemin rural, Chêne truffier, Chute d’arbre, Chute de branches, Code forestier, Coupe abusive, Coupe extraordinaire, CRPF, Débardage, Débroussaillage, Débroussaillement, défrichement, dégâts de gibier, Droit de chasse, droit forestier, eaux et forêts, Engref, Entrepreneur forestier, espace boisé, Expert forestier, Expertise agricole, Exploitation forestière, Forestier, forêt communale, Forêt de protection, Forêts, glycines, Groupement forestier, incendie forestier, Inventaire forestier, L. 130-1, Mayotte, Monichon, Morts-bois, Parc forestier, peupleraie, peuplier, Plan de zone sensible, Plan simple de gestion, Poésie, Processionnaire, régime forestier, Sérot, Soumission au régime forestier, Vent violent, Voirie départementale.