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ELSA

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ELSA

Elsa

Elsa flottait.

Plusieurs fois déj� elle s’était penchée pour admirer le scintillement des astres dans l’eau tremblante.

Plusieurs fois elle avait admiré son propre reflet dans ce miroir éclaboussé de soleil.

L’onde la berçait, d’une manière si douce que jamais la plus légère brise ne l’avait fait dans sa vie antérieure.

Parfois, l’eau s’écoulait vivement, faisant chuter Elsa dans des tourbillons d’écume, dans une danse ensorcelée pétillante de rosée claire.

Elle filait entre deux lignes peuplées d’arbres, de buissons, de mousses odorantes, qui, le jour, découpaient la surface de l’eau en une dentelle d’ombres et de lumières vibrantes.

C’était comme deux haies au garde-� -vous en l’honneur de la voyageuse.

Elsa aurait bien voulu accoster ce rivage merveilleux, mais le flot l’emportait.

Alors, elle se contentait de scruter les myriades de mondes qui flottaient autour d’elle.

De temps � autre, un oiseau orange et bleu filait comme une flèche d’azur, étrangement pressé.

Elle, n’avait-elle pas tout son temps ? Parfois aussi un bâton l’accrochait.

Elle se dégageait avec impétuosité, en jouant du courant.

Une fois seulement, elle était restée collée � un rocher.

Une araignée d’eau était venue � son secours.

Elsa n’avait pas d’inquiétude.

Elle suivait son destin, qui était bien plus beau que celui de la plupart de ses millions de consoeurs.

Oui, elle avait de la chance.

Elle avait une nouvelle vie, aussi éternelle que la rivière.

Une nouvelle vie ! sa vie antérieure aussi avait été belle, après tout.

Parfois elle remontait � sa mémoire, comme des bulles du fond de l’eau. C’était déj� si loin.

***

La mémoire d’Elsa ne trouvait pas d’origine.

Aussi loin qu’elle remontait, elle ne sentait que chaleur.

Son berceau était doux et feutré, soyeux.

Il était translucide, et l’alternance de la nuit et du jour avait rythmé ses premiers moments.

Elle se souvenait qu’elle était recroquevillée, pliée, plissée, toute retournée sur elle-même.

Déj� , elle avait vaguement conscience qu’un jour viendrait où elle déploierait ses ailes comme un papillon, dans la clarté du jour qui picoterait son corps.

Elle attendait ce moment inéluctable avec impatience.

Déj� , elle était avide de voir le Monde.

Elle avait aussi conscience de n’être pas seule.

Il y avait d’abord ce géant qui la nourrissait, qui l’abreuvait tous les jours, continûment, et qui d’ailleurs l’avait fait naître.

Elle l’avait toujours aimé.

Et quand elle l’avait quitté pour cette seconde vie, cela avait été un arc-en-ciel de peine et de joie.

Elle sentait aussi autour d’elle, � peu de distance, des millions de présences.

Ah, non, vraiment, elle n’était pas seule.

Elle était ardente de vivre.

Aussi, elle s’étendait, elle poussait, elle s’amusait même � se gonfler.

Vint le jour où son berceau se fendilla, craqua, et s’ouvrit.

Ce fut d’abord l’odeur.

Un parfum touffu, fait d’essences inconnues.

Etait-ce ça le Monde ? Et puis ce fut l’haleine.

Comme une caresse, douce sur la peau, ondulante. La brise.

Enfin, ce fut le jour.

Ou plutôt, la nuit. Au-dessus, des lumières brillaient.

Elles scintillaient, semblaient vivre aussi.

Elsa lança un petit cri. Il lui sembla que l� -haut, une étoile avait frémi, comme pour lui adresser un silencieux message.

Très haut, dans l’infini des mondes, dans l’immensité nocturne, une étoile bleue avait salué la petite feuille qui venait de naître.

Le monde était donc peuplé d’amies ? Elsa eut envie de tomber dans le ciel.

Elle resta longtemps � observer la voie lactée.

C’était une rivière, comme celle d’en bas du pré, qui roule ses galets scintillant en plein ciel.

Elle avait un peu froid.

Au loin, il y eut comme une clarté timide.

La nuit s’évaporait, lentement, telle un songe au bord de l’eau.

Et puis de ce côté l� du chêne, au-dessus de sa chevelure moussue, une lueur apparut.

La grande peur ancestrale des feuilles monta en Elsa, et c’était comme si tout l’arbre s’émouvait.

Car le ciel subitement prit la couleur du feu ; il s’enflamma.

Monta alors une sorte de lune couchée, qui se cachait � demi.

Elle bougeait.

Lentement, elle dénuda son corps aux regards du monde.

C’était un rond suspendu en plein ciel.

Il montait.

Tout autour d’Elsa, les teintes grises ou violacées s’estompaient, tandis que couraient, se faufilaient � travers l’arbre, des jaunes d’or multicolores.

Elsa ne savait pas ce qu’était un Peintre.

Mais elle voyait lÃ? le plus grand.

Partout une douce chaleur montait, merveilleusement.

Elsa n’avait jamais eu aussi chaud.

Elle se dit que cet astre en plein ciel était aussi un ami.

Mais quand elle se tourna vers lui, elle fut si éblouie, qu’elle n’osa lui parler comme elle l’avait fait � son amie l’étoile.

Elle se contenta de s’étirer un peu plus, sous les rayons.

Sa première journée s’écoula ainsi.

L’air était calme, � peine traversé d’une légère brise.

Cela semblait devoir durer.

Mais le premier crépuscule apparut, fait d’ombres palpitant sur le sol tout autour de l’arbre.

Elsa vit que le soleil tombait au loin, par delÃ? les champs.

Où allait-il ? Y avait-il encore un autre monde de ce côté l� ? Elle se sentit soudain petite.

Puis, quand la nuit vint, elle se réjouit � l’idée de revoir son amie l’étoile.

Et quand celle-ci apparut - elle était bien au rendez-vous - elle lui parla longuement de toutes les merveilles de son premier jour.

A l’ombre de la voie lactée.

Tard dans la nuit, avant même que les premières lueurs du Peintre n’apparaissent, elle fut éveillée par des murmures innombrables, des chuchotements sans fin ; et c’était tout près d’elle.

Quand elle regarda, elle vit d’autres petites feuilles qui sortaient de leur berceau et s’étiraient.

Gonflée de son expérience, elle accueillit ses voisines d’un mot de bienvenu en ce monde dont elle pensait connaître l’essentiel : l’étoile et le soleil.

Les nouvelles nées firent cercle autour d’elle pour entendre ces choses merveilleuses.

***

Quand le premier oiseau vint se poser, ce fut un sujet de curiosité.

Surtout quand il s’envola. Comment faisait-il ? Chaque petite feuille essaya de battre des ailes comme lui.

Ce fut tout l’arbre qui frémissait d’un impalpable murmure dans l’immobilité de l’air.

Mais ce fut en vain, au grand désappointement de toutes.

Une seule avait réussi � se détacher, mais elle tomba � travers les feuillages, ricocha de ramilles en ramilles, pour se perdre vers le bas.

On n’en eut plus de nouvelles.

Plus tard, le vent se leva.

C’était un jour de printemps, et il était fantasque, menait la danse � sa guise.

C’était � sa manière un chef d’orchestre.

Il agitait un vieux pommier, et en dépit des protestations de celui-ci, il saupoudrait l’espace alentour d’une myriade de papillons en fleurs.

Puis, il jetait son souffle sur une rangée de peupliers, les faisant délicatement onduler sur le ciel, chatouillant les nuages ; et cela ressemblait � leurs reflets tremblant dans la rivière.

Et il allait ainsi d’arbres en arbres, comme si chacun avait une danse vibrante � jouer au gré de ces curieuses compositions.

Quand il aperçut le grand chêne tauzin, il eut un grand sourire, s’approcha � pas de loup, � raz de terre, parvint près du tronc, sans que le bonhomme s’aperçut de sa présence.

Un temps passa.

Et tout � coup, le vent se déchaîna ; il soufflait de bas en haut. Elsa fut comme happée vers le ciel.

Comme toutes ses soeurs, elle comprit que c’était l’occasion de rejoindre l’oiseau.

Elle battit frénétiquement, de toutes ses nervures, � l’unisson des autres.

Ce fut une bouffée d’espérance folle.

L’arbre entier allait s’envoler en plein ciel.

Et puis, la griserie cessa.

On s’abandonna alors � l’ivresse du vent.

C’était nouveau ; c’était un jeu. On était soulevé, tourné, emporté dans une valse endiablée.

Cela tombait, puis repartait de plus belle. On dansa comme cela longtemps ; ce fut une belle journée.

Elsa se souvint que le vent était un grand ami, qui aimait jouer. Aussi, c’est avec le même sentiment de confiance que l’automne venu, elle s’abandonnera � lui.

***

Un jour de ciel gris, il plut.

C’était une pluie tranquille, fine et serrée.

Elle était venue, s’était étendue sur le grand paysage.

Elsa fut d’abord fascinée.

Le champ, les arbres isolés, et au loin la lisière sombre de la forêt, tout lui semblait soudainement lointain, plongé dans le mystère de la pluie.

La nature s’était faite humble.

Partout, elle avait renoncé � ses couleurs brillantes, pour se teindre de reflets gris.

Les silhouettes des arbres se fondaient dans le long manteau qui les couvrait.

L� -bas, la forêt, immense vague au bord de l’horizon.

Et puis, sur tout cela, le silence.

Les oiseaux se taisaient.

Une prière. La pluie, seule, murmurait.

Un long chant silencieux, velouté, envoûtant.

Partout. A l’écouter, c’était une foule immense de voix qui montaient de la terre.

Des âmes inconnues que la pluie réveillait. C’était comme une fête obscure des au-del� .

Tout près d’Elsa, c’était différent.

Les feuilles étaient endimanchées de teintes vives, luisantes, vernissées.

On aurait dit qu’elles s’étaient parées pour le bal.

Elsa était au sommet de l’arbre.

Comme toutes ses soeurs � sa hauteur, les gouttes crépitaient d’un son clair, puis ruisselaient vers le bas, chutant avec des tonalités plus sourdes et distinctes.

Il s’élevait du chêne une symphonie subtile.

Le clavier des feuilles s’enfonçait sous les doigts de la pluie.

Ce fut aussi, pour Elsa, une étrange et belle journée. Elle appréciait beaucoup cette nouvelle compagne, qu’on nomme Pluie.

***

Les fleurs des cerisiers tombèrent.

Elsa grandit. Elle mit une coquetterie particulière � se distinguer de ses soeurs.

En fait, ses nervures, son contour de vagues, lui étaient propres.

Comme elle poussait en plein soleil, elle grandit plus que ses consoeurs du dessous, et ses nervures furent plus fortes.

***

Après son émerveillement premier, quand elle fut adulte, elle se demanda vite ce qu’elle était venue faire en ce monde.

Certes, elle faisait son métier.

Elle avait appris � le connaître, et le pratiquait par instinct, par nature.

Elle buvait la sève, respirait un bon coup, et avec cela, fabriquait des sucres dont le chêne était friand, et puis des gaz (que d’autres nomment oxygène, et gaz carbonique).

Elle excellait même � ce travail, et l’arbre le lui disait et la récompensait.

Elle se distrayait aussi, en jouant avec la pluie et le vent, en se dorant au soleil, ou en regardant les nuits.

Une distraction importante fut, notamment en été, de regarder ce qui se passait en bas.

Une foule d’animaux passèrent, le jour, et la nuit.

Elle apprécia aussi dans les branches, l’écureuil roux, fou et doux.

Elle s’émerveilla surtout des fleurs des pâturages.

Elles étaient de toutes les formes et surtout de multiples couleurs.

Elsa regrettait sa couleur verte, et soupirait de ne pouvoir vêtir le manteau de la marguerite, du coquelicot, du bleuet, ou de la chélidoine.

Il y eut aussi une grande préoccupation.

Des consignes avaient été données.

L’arbre - et � travers lui ses feuilles - devait chaque année se reproduire, impérativement, sans discussion possible.

Quelle dictature ! On mit donc en fabrication des jeunes, ce que l’on appelait les « glands ». Quel travail ! Il n’y avait de jour et de nuit où l’on ne doive travailler � alimenter la nouvelle portée.

Les rations pour les feuilles avaient même été diminuées Et dans quel but, je vous prie ? Il suffisait de regarder en bas, dans le champ, pour voir que les glands de l’année passée, quand ils avaient pu germer, avaient tous été broutés par le troupeau de vaches blanches et noires comme des pies.

Pas un seul n’avait survécu ! Alors, franchement, � quoi bon ? Mais non, il n’y avait pas moyen de discuter.

Elsa avait eu quelques idées de révolte.

Mais, comme toutes ses soeurs, elle dépendait de l’arbre pour se nourrir.

Aller ailleurs ? Etait-ce possible ? Et quelle aventure ! Peut-on même lutter contre sa nature ? Il faut croire que non.

Toutes les feuilles obéirent.

En automne, quand les glands furent presque � leur apogée, rondelets � plaisir, les feuilles en étaient épuisées.

Leur limbe s’était aminci.

Ce fut alors le grand festival.

Un soir, dans le soleil couchant, le merisier voisin s’embrasa.

Elsa n’en revenait pas.

Etait-ce les rayons du Peintre qui coloraient ainsi ses voisines ? Jamais elle n’avait vu de tels rouges.

A contre-jour, l’arbre flamboyait de milliers de petits foyers écarlates ; on aurait dit un paon qui faisait la roue de sa queue constellée de soleils.

Quelques jours après, ce furent les acacias qui s’illuminèrent de jaunes pâles, et les érables champêtres se mirent aussi de la fête avec des reflets d’or.

Et l� -bas, près de la fontaine, le saule habituellement triste parait d’or jaune ses longues feuilles effilées.

Les arbres pouvaient-ils donc être comme les fleurs des champs ? Elsa s’impatientait.

Elle voyait bien que c’étaient l� des jours exceptionnels pour les feuilles.

Elle se demandait pourquoi ses soeurs se paraient ainsi pour la première fois.

Elle ne savait pas que c’était aussi pour la dernière, mais une petite voix du fond de l’arbre charitable lui dit qu’il s’agissait d’un accomplissement.

Il ne fallait pour rien au monde manquer cet instant, et aucune feuille en réalité ne s’y dérobait.

Qu’attendait donc le chêne ? Ses consoeurs se posaient la même question.

L’insistance fut telle que l’arbre se décida enfin, avec retard sur ses parents.

Elsa sentit monter en elle une couleur nouvelle, et un matin, quand s’éveilla le jour, elle était parée d’un rouge brun seyant.

C’était tout de même si nouveau, que si elle avait été seule, elle en aurait rougi un peu plus.

Mais toutes ses consoeurs arboraient une teinte voisine.

Elles se regardaient l’une l’autre, se comparaient, jasaient de plaisir.

Durant le temps qui suivit, elles ne se lassèrent pas de s’admirer.

Le chêne lui même, qui pourtant en avait l’habitude, avec ses cent vingt-cinq vies (de feuilles), se sentait, cette vie-l� , émerveillé. Jamais il n’avait été aussi grand, fort et beau.

Il en faisait compliment � ses millions d’Elsa, qui le lui rendaient bien.

Jamais l’union n’avait été aussi forte, et peut-être la vie aussi belle.

Mais un matin, il fit un peu plus froid, et l’automne s’effeuilla.

Oh, il ne s’agissait pas du chêne, mais de l’acacia, l� -bas, au bord du chemin qui filait si loin entre deux rangées d’arbres serrés comme s’ils avaient peur de le quitter.

Quand une petite pluie de feuilles jaunes joncha le sol, Elsa en fut tout étonnée.

Elle se demanda pourquoi ces soeurs lointaines avaient abandonné leur père.

Puis, l’envie l’emporta. Libre ! Etre enfin libre ! N’était-ce pas extraordinaire ? Ce fut le tour des frênes au bord de la rivière.

Les feuilles composées tombaient sur l’eau et filaient comme des pirogues.

Quelle chance ! pensa Elsa.

Le merisier laissa aussi tomber ses feuilles carminées.

Comme le sol était joli ! Tapissé de mille formes colorées.

Un soir, le vent se leva.

Des tourbillons serrés montaient en spirale au-dessus du sol, et se déplaçaient deci del� .

C’était une femme invisible dont la robe tressée de vent et de feuilles multicolores valsait au gré de caprices secrets.

Elsa, toujours impatiente, se demandait encore quand viendrait son tour.

L� aussi, le vieux chêne n’était pas pressé.

Il fit de plus en plus froid.

La nuit, les feuilles se serraient les unes contre les autres, et l’arbre, sagement, se lovait parmi elles, comme l’oiseau la tête sous les ailes.

Un jour, du ciel tomba un duvet blanc.

C’était froid. Alentour, le champ, le chemin, et au loin les montagnes s’étaient vêtus d’un immense manteau.

C’était beau.

Un grand silence peuplait ce paysage, et tout était solennel.

Mais qui donc allait-on couronner ? La nature elle-même s’honorait.

Au soleil levant, le chêne, sortant de son engourdissement, avait secoué sa tête, et saupoudrait le champ d’une mousse nouvelle.

L’hiver s’écoula.

Alors, un matin d’une neige attardée, alors que les nivéoles semaient leurs clochettes marquetées d’un fleuron vert, ce fut le tour d’Elsa.

Etait-ce un printemps nouveau dans ce souffle moins frais ? Elsa sentit dans cette brise une partie de la chaleur du vent de son enfance, de son premier printemps.

L’ami de sa première valse.

Alors, elle s’abandonna, confiante.

Et puis, depuis peu, du tréfonds du vieil arbre, montaient des forces nouvelles.

De branche en branche et en brindille, c’était un fleuve caché qui irriguait le bois.

L’arbre sentait aux confins de son être, apparaître l’ornement de sa nouvelle vie.

Elsa vivait aussi cela.

Partout, des forces poussaient.

Alors, elle s’abandonna tout � fait.

Ce fut presque sans douleur.

Elsa s’en alla.

La tête � l’aventure, c’est � peine si elle eut un regret pour ce père qui l’avait fait naître et vivre sa vie.

Elle tomba.

Etrange sensation.

Ce n’était pas voler comme l’oiseau.

C’était tomber, comme une feuille.

Combien de feuilles tombe-t-il donc au monde, pendant une vie d’arbre ? Un sage parmi les sages, en sait-il le nombre ? C’est chose si ordinaire de tomber, mais si nouvelle � chaque fois pour chaque feuille, et pour Elsa.

Ce fut un mouvement léger, doux, gracieux.

Elle était si frêle, elle pesait si peu, que son ami le vent s’amusa avec elle.

Ce ne fut pas une chute, mais une hésitation, une cadence passionnée, un peu comme un fandango.

Elsa virevoltait, tantôt � gauche, tantôt � droite, et il y avait dans ce mouvement saccadé, irraisonné, quelque chose de la valse endiablée d’une belle Espagnole � la taille étroite et aux doigts aériens.

Cela dura un temps, cela dura cent ans. Puis le vent la porta, loin.

Loin de l’arbre vieilli et du chemin fané au passage des ânes, loin du champ qui ânonne et psalmodie son chant de mourrons rouges ou bleus, de marguerites blanches qui s’effeuillent au vent, car vraiment tout s’en va, mon Dieu je ne sais où, mais je sais seulement que l’ailleurs est partout, dans les champs plus qu’ailleurs, et dans les chants des champs qui offrent l’anémone et l’ancolie gracieuse aux passants qui s’en vont, faire l’aumône mélancolique et pieuse de leurs âmes apeurées aux chemins qui les suivent bordés de saules nains.

Elsa s’assit dans l’herbe au bord de la rivière.

Il y avait lÃ? une feuille de grand houx.

Qu’elle était belle ! Son limbe avait disparu, et elle n’avait qu’un réseau de nervures, ce qui la rendait presque transparente.

Mais l� était la merveille.

Elle était tapissée de cristaux de glace, qui scintillaient.

Le soleil s’y accrochait avec ravissement.

Elsa soupira.

Elle ne serait donc jamais la plus belle ! Qu’importe ! Elle était décidée � faire un beau voyage.

Elle réunit toutes ses forces, puis, après s’être tourné une dernière fois vers le reflet de sa vie antérieure, et aidée d’une légère brise, elle sauta.

L’eau était un champ qui filait au loin. Elsa flottait.

Oui, elle avait de la chance.

Elle avait une nouvelle vie, aussi éternelle que la rivière.

Alors, une fois de plus, elle s’abandonna.

Et ce fut l’émerveillement.

Les silhouettes ondulantes des arbres s’entremêlaient � la surface de l’eau.

La rivière balayait les nuages � travers leurs branches qui se couvraient d’écume.

Des pastilles de lumière jaune frissonnaient sur l’onde, suspendues au-dessus du courant, comme une flottille aux aguets.

Elsa passa sur un nuage blanc qui filait � la dérive.

Elle faisait donc enfin comme l’oiseau qu’elle avait vu monter si haut, si haut qu’il se perdait.

Elle en conçut une certaine joie.

Puis vint la nuit.

Les uns après les autres, les rayons du soleil s’endormirent, lovés dans l’onde sombre.

La rivière devint encre marine, qui teinta l’âme d’Elsa : elle était un peu inquiète.

Tout semblait soudain si vaste, que sa petite personne en devenait insignifiante.

En même temps, elle se sentait pénétrée par l’eau froide.

Déj� , une de ses soeurs, une feuille d’aulne avait disparu, happée par le flot, avec un murmure d’angoisse.

Qu’y avait-il dessous ? encore un autre monde ? Elsa n’avait pourtant pas envie d’aller voir de ce côté l� .

Elle continuait Ã? flotter.

Sur ce tapis sombre, une lumière s’alluma, puis une autre, des dizaines d’autres, des milliers, qui scintillaient immobiles � la surface de l’eau.

Elles étaient de toutes les couleurs, comme une guirlande qu’un magicien aurait allumée.

Etait-ce la fête de la rivière ? Où la rivière allait-elle ainsi parée de ces joyaux ? Elsa fut soudain arrêtée dans sa course.

C’était une lumière bleue, qui lui dit :

- Elsa, me reconnais-tu ? Elsa fit un petit bond de surprise et dit, émue :

- c’est toi, Etoile Bleue ? L’autre opina.

Alors, la petite étoile bleue tira Elsa près d’elle.

Son bonheur était tel qu’elle scintillait comme une constellation entière.

Elsa elle-même en était inondée.

Sur l’onde noire flottait cet anneau de lumières bleutées qui unissait une petite étoile et une feuille parmi les autres.

Et leurs reflets miroitaient au ciel nocturne.

L� haut, très haut, près d’une étoile bleue, une petite étoile jaune était née, ouvrant pour la première fois ses yeux sur l’immense Univers.


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