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LES GRANDS CORBEAUX

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Les grands corbeaux

Il y a longtemps de cela, dans les campagnes de France, vivait le Grand Corbeau.

Quand il ouvrait les ailes, il était aussi grand que lorsque tu ouvres largement tes bras.

Lorsqu’il volait pendant la nuit, c’est à peine si on pouvait le voir sur le fond des étoiles, car il était aussi noir que le ciel.

C’était des temps bien tristes.

Les hommes se battaient souvent.

Ce n’étaient que batailles entre châteaux.

Durant la journée, les chevaliers guerroyaient sur la plaine, les lances et les boucliers scintillaient, les chevaux couverts de mailles se heurtaient, les flèchent volaient avec d’étranges sifflements, et l’on entendait les cris des hommes habités par la fièvre de la guerre qui battait dans leur sang.

Puis, après un temps interminable, le crépuscule obscurcissait le ciel et tombait lourdement sur la plaine ; les hommes s’étaient tus, les vivants regagnaient les châteaux.

Les étoiles se miraient dans le regard ouvert des morts.

Un grand linceul s’étendait sur la plaine.

Alors, on entendait d’abord comme un grand bruissement, semblable à celui des murmures du vent à travers la forêt.

Mais c’était plus dur comme son : plutôt comme une armée de barques qui avançaient dans l’obscurité en frappant la mer de milliers de coups de rames.

Le ciel tout à coup devenait plus sombre.

Puis c’était comme une pluie qui tombait en spirales, qui s’abattait sur-le-champ de bataille.

Et l’on voyait alors nettement les grands oiseaux.

C’était de grands corbeaux ; il y en avait des milliers, qui marchaient à travers les corps étendus, de leur allure chaotique, ou qui d’un puissant coup d’aile voletaient au-dessus.

Et puis commençait l’horrible festin, à coup de bec puissant.

C’était, en effet, des temps bien tristes.

Parmi ces corbeaux, il y en avait un qui s’appelait Jean.

Il faisait bande à part.

Oh ! pendant longtemps, il avait voyagé avec ses milliers de pareils.

Mais chaque fois qu’ils surveillaient de loin une bataille, il n’y prenait qu’un maigre plaisir, et refusait toujours de participer au festin.

Il ne l’avait dit à personne, mais c’était sans doute parce qu’étant petit, et étant tombé du nid, il avait été recueilli par un bûcheron, qui l’avait élevé quelques temps.

Il en avait gardé une certaine reconnaissance envers les hommes, et chez les corbeaux c’est un sentiment qui dure.

Ce comportement singulier n’était pas passé inaperçu parmi les autres corbeaux.

Un jour, sur la plus haute tour d’un château-fort, où soufflait un vent du diable, le Grand chef des Corbeaux, un vieux corbeau pas commode, se posa à côté de Jean et lui dit :

- Jean, si tu ne suis pas nos coutumes, il vaut mieux que tu t’en ailles.

Quand il disait cela, il avait les plumes du dessous du bec tout ébouriffées.

Ce n’était pas le vent, et Jean savait très bien que chez les corbeaux cela traduit un mouvement de colère.

Le Grand chef ajouta :

- mais s’il t’arrive quelque chose, tu peux toujours faire appel à tes frères !

Jean resta un moment abasourdit.

Dans le ciel, des nuages gris apparaissaient, et quelques gouttes frappaient la toiture d’ardoise de la tour.

Il inclina la tête, et dit :

- je suivrai ton conseil.

Alors le grand chef, d’un puissant battement d’ailes, s’envola, et Jean resta là, se balançant d’une patte sur l’autre, réfléchissant.

La pluie, maintenant, ruisselait sur son plumage, le glaçant de reflets bleu sombre.

C’était une dure épreuve.

Il avait longtemps vécu en groupe, et quel groupe : plusieurs milliers d’oiseaux ! Il était maintenant condamné à vivre seul.

Et d’abord, où aller ? Il promena son regard aigu sur le paysage.

De là où il était perché, on avait une belle vue.

Là-bas, dans la montagne ? Il y faisait trop froid l’hiver.

A la grande ville ?

C’était là où habitaient la plupart de ses frères, qui nichaient sur les tours, ou aux plus hauts points de la cathédrale et des autres édifices.

Il n’y fallait pas songer.

Il connaissait bien une petite forêt, très loin, si loin qu’aucun de ses frères n’y aurait élu domicile ; il y serait tranquille.

Alors pourquoi pas ?

Il déploya ses grandes ailes, et d’un brusque mouvement décolla.

Il volait, et en dépit de l’orage et du vent, il était si puissant que quelques battements d’ailes suffisaient à le faire avancer.

Il planait en profitant des courants d’air.

Il passait au-dessus des collines et des champs.

Tout était minuscule.

Les maisons étaient comme de petites boîtes disposées autour de leur église.

Les hommes étaient des puces qui marchaient sur les routes, à un train d’escargot.

Les rivières étaient aussi fines qu’un fil ; et ce fil miroitait, brillait à travers les pâturages.

Il arriva le soir en vue de la forêt, et se percha d’abord au sommet d’un chêne de lisière.

Là, il se reposa un instant, puis écouta.

Il tenait d’abord à savoir si une autre tribu de corbeaux avait niché là.

Mais il n’entendit aucun croassement, ni d’ailleurs aucun bruit menaçant.

Alors, il s’endormit.

Quand l’aube lustra les feuillages de mille reflets, Le Grand Corbeau s’éveilla. Il commença par s’ébrouer, car la rosée constellait son plumage de nombreuses gouttes où miroitait l’aurore.

Il se mit en quête de son petit déjeuner, et aurait bien mangé une souris, ou un hérisson, mais dut se contenter ce matin là de quelques graines de bourdaine.

Il décida ensuite de chercher un gîte durable.

Il valait mieux trouver un arbre au sein de la forêt, pour être à l’abri.

Alors, il s’envola, pour s’élever assez haut au-dessus de la forêt.

Comme il le savait, elle n’était pas grande.

Mais elle était dense et ne comportait que peu de clairières.

Quelques ruisseaux la parcouraient.

Il y avait, à peu près au milieu, un petit étang, oh ! bien petit.

C’était un endroit idéal, à cause de l’eau.

Jean y vola, repéra un grand hêtre, tout chevelu, et s’y percha.

Assez haut, l’arbre se divisait en une belle enfourchure, à l’angle de laquelle Jean décida de faire son nid.

Il passa ses journées suivantes à collecter des branches et brindilles, puis à les entremêler afin de faire son abri.

Au bout d’une semaine, le nid était fait, et Jean s’y installa.

Un jour où il se promenait de branche en branche, il parvint à un bosquet de frênes qui commençait à débourrer.

Il respirait l’air frais du printemps, et s’apprêtait à lancer quelques petits croassements de satisfaction, lorsqu’il entendit un bruit.

C’était un son léger et clair, comme une clochette qui s’agitait.

Cela venait d’en bas.

Jean sauta de branche en branche pour atteindre le sol.

Là, il se dirigea vers l’endroit d’où provenait le bruit.

Devant lui, dans l’herbe, une vipère grise était immobile, la tête dressée.

Jean ne vit pas très bien d’abord quel était son adversaire, bien qu’il entendit nettement la clochette.

Puis, se posant sur un rocher blanc, il vit.

C’était un étrange petit bonhomme comme Jean n’en avait jamais vu.

Il était vêtu de vert, d’un vert tendre comme un champ de jonquilles.

Il portait sur la tête un long chapeau pointu, orné de deux boules de houx.

Quand ce petit bonhomme vit l’oiseau, il se mit à parler :

- sire Corbeau, viens à mon secours !

S’il te plaît, délivre-moi de ce serpent qui veut me mordre !

Alors Jean, qui était un bon corbeau, et qui de surcroît, comme tous ses semblables n’aimait pas les serpents et les mangeait, se jeta sur la vipère, et de manière fort habile lui donna un grand coup de bec à l’arrière de la tête, là où il savait qu’il fallait frapper.

Comme il fondit sur l’arrière du serpent, celui-ci n’eut pas le temps de voir l’oiseau venir, et sa tête retomba dans l’herbe, inerte.

Alors Jean se tourna vers le petit bonhomme et lui dit :

- qui es-tu ?

- Je suis un farfadet.

J’appartiens à un peuple qui vit sous terre, sous cette forêt.

J’étais sorti pour cueillir des scilles, dont nous avons besoin, nous autres, pour les distiller et récolter les notes mauves pour nos musiques.

Et puis j’ai rencontré ce serpent.

J’ai bien des pouvoirs, mais je ne peux rien contre ceux-là.

Si tu n’étais pas intervenu, je serais mort.

Et il ajouta :

- j’aimerais te remercier. Que puis-je pour toi ?

Jean était un corbeau philosophe comme presque tous les corbeaux.

En se rejetant un peu en arrière, il dit :

- tu sais, j’ai un nid, je trouve de la nourriture, je sais me soigner car je connais les plantes, je passe mes journées à me promener et à contempler la nature ...

Là, il marqua un temps d’arrêt, puis ajouta, avec un léger ton d’orgueil :

- ... et comme je sais compter jusqu\'à huit, je suis aussi savant .

Que vouloir de plus ?

Le farfadet fut surpris de cette réponse.

Il allait ajouter : “ mais, sais-tu qu’il te manque bien des choses ? ”, mais se contenta de dire :

- tu es un sage toi ! pas compliqué !

et avec un soupir :

- à chacun selon sa nature ! Mais pourtant, je vais te dire un secret.

Un secret, hein ? C’est intéressant.

Jean qui, comme tout oiseau, était curieux, se laissa emporter.

Il suivit le petit bonhomme.

Ils remontèrent le long d’un ruisselet, et parvinrent à une source.

Elle sortait au milieu d’une touffe de joncs, à l’abri d’un rocher.

Le farfadet se hissa sur une pierre, et fit signe au grand corbeau d’approcher :

- viens voir !

Jean vit alors une vasque naturelle, au fond de laquelle brillait une mosaïque de cailloux multicolores.

Mais ce qui attira immédiatement son œil mobile, c’était l’éclat de certains cailloux de couleur jaune orangé.

Il plongea dans l’eau, et revint avec un de ces cailloux.

C’était tout rond et plat.

Jean n’en avait jamais vu comme ça, et ils étaient fort jolis à son goût.

Le farfadet lui dit :

- ce sont des pièces d’or.

Nos autres farfadets, nous avons ce pouvoir de jouer de la flûte, puis de récolter nos notes sous des formes diverses.

Et Philibert, l’un de nous, s’amuse depuis longtemps avec des boutons d’or, à distiller ces pièces.

Comme il n’en fait rien, il les rejette dans un cours d’eau, qui sort ici de terre.

Puis il ajouta :

- personne ne connaît cet endroit - voilà pourquoi c’est un secret - et je crois que cela vaut mieux.

Il paraît que chez les hommes, c’est un poison.

On m’a dit même que certains hommes pouvaient en tuer d’autres pour cela.

Jean fut très étonné, car comme on disait à son époque chez les corbeaux “ les corbeaux ne crèvent pas les yeux des corbeaux ” , de même que chez les loups : “ les loups ne se mangent pas entre eux ”.

Puis le farfadet acheva :

- ce secret est à toi, maintenant.

Garde-le ! Mais si tu veux prendre de ces cailloux pour ton plaisir, fais-le ! Quant à moi, il faut que je revienne chez nous.

Et si je peux t’aider ...

Et sur ces derniers mots, il plongea dans la vasque, nagea jusqu\'à l’endroit où elle naissait sous un rocher, continua sous celui-ci, et disparut aux yeux de Jean, vers les mondes secrets souterrains.

Le grand Corbeau restait là, encore tout étonné de ces révélations.

Puis, il regagna son nid, tout en gardant la pièce d’or dans les griffes d’une patte.

Là, il la regarda de plus près.

C’est vrai qu’elle était lisse, ronde et jolie.

Elle brillait.

C’était amusant.

Des journées se passèrent.

Jean menait son existence tranquille à travers la forêt.

Il lui arrivait certains jours d’être submergé par la nostalgie du groupe, et puis il oubliait vite.

Plusieurs fois il était revenu à la fontaine, et il avait puisé une pièce d’or, pour la rapporter à son nid.

Comme il savait compter jusqu\'à huit, il en ramena huit, et il jouait avec.

Je vous ai dit qu’en ces temps reculés, les champs de bataille étaient envahis le soir par des vols de grands corbeaux.

Ils n’étaient pas les seuls à errer.

Il y avait aussi des brigands de la pire espèce, qui dépouillaient les soldats morts de leurs bagues, de leurs colliers, des pièces qu’ils portaient sur eux.

L’un d’eux avait pour surnom “ le Borgne ”, car un jour il avait été pris sur un champ de bataille, et que le bailli, bien disposé ce jour là, ne l’avait pas fait pendre, mais lui avait fait seulement crever un œil.

Et il avait ajouté que la prochaine fois, c’est l’autre que l’on crèverait.

Alors, le Borgne se tenait à carreau.

Il évitait les champs de bataille, et errait, deçà, delà.

Un jour, son errance le conduisit à la lisière de la forêt.

Il y rentra, et le hasard le conduisit auprès de l’étang.

Or, Jean s’était tellement amusé à jouer dans son nid, qu’il en avait oublié de compter ses pièces.

S’il l’avait fait, il se serait aperçu qu’il lui en manquait une.

Elle était tombée de l’arbre sur le sol.

L’œil du Borgne fut attiré par un éclat dans l’herbe.

Il trouva ainsi la pièce.

Il la passa entre ses mains, la mordit, et dut se rendre à l’évidence, c’était bien de l’or.

Son œil étincela de cupidité.

Il se demanda bien d’où cette pièce pouvait venir.

Il n’y avait aucun trace de passage dans l’herbe, aucun chemin.

D’autre part, les pièces ne tombent pas du ciel.

Le Borgne resta longtemps perplexe.

Et puis son esprit de bandit de grand chemin lui fit entrevoir d’autres possibilités.

A tout hasard, il monta dans l’arbre.

Il atteignit l’enfourchure et vit le nid.

Jean n’était pas là.

Et dans le nid, il y avait des pièces.

Le Borgne s’en empara, redescendit et se cacha.

Quand le Grand Corbeau revint, il constata avec surprise qu’il n’avait plus ses pièces.

Il voleta jusqu’au pied de l’arbre, pour voir si elles étaient tombées, mais ne découvrit rien.

Alors, de quelques coups d’ailes, il revint à la fontaine, et reconstitua son trésor.

Le lendemain, profitant de l’absence du corbeau, le Borgne remonta au nid, et découvrit huit nouvelles pièces.

Il se dit alors que ce corbeau était magique, et décida de l’attraper.

Il construisit une cage en noisetier, solide, l’installa près de l’enfourchure, la dissimula sous des feuillages, et y disposa quelques pièces d’or.

Quand Jean revint d’une promenade, il se disposait à rentrer dans son nid, quand son regard perçant fut intrigué par un reflet dans le feuillage.

En dépit de la méfiance habituelle à son espèce, il s’engagea dans la cage, dont la porte se referma sur lui.

Quand il voulut sortir, il se rendit compte qu’il était prisonnier.

C’était totalement nouveau pour lui, et il se battit violemment contre les barreaux de bois.

Le Borgne ne tarda pas à descendre la cage.

Là, il commença par prendre un bâton, à le glisser entre les barreaux, et à agacer l’oiseau.

Jean se déplaçait de droite à gauche, se nichant dans les coins, pour éviter les coups, mais il était souvent touché.

Le Borgne arborait un rictus cruel.

Il prenait manifestement du plaisir à torturer l’oiseau, et au demeurant, il n’aimait pas les corbeaux.

- Dis donc, toi, tu vas me dire où tu trouves tes pièces ? Tu me le diras, même si je dois te faire cuire !

Jean ne savait pas ce que voulait le Borgne.

Ce n’est que lorsque ce dernier jeta une pièce d’or dans la cage, qu’il comprit.

Comme tous les corbeaux, il était fort intelligent, et fidèle.

Il se souvint des paroles du Farfadet sur les hommes et l’or.

Il hésita un instant.

Mais comme il s’agissait d’un secret, il résolut de ne rien dire.

Le Borgne ne lui donna rien à manger pendant plusieurs jours.

Puis, un matin, il sortit le corbeau de la cage.

Il s’était muni d’une forte veste et de gants épais pour parer aux coups de becs de l’oiseau, qu’il savait déjà affaibli par le jeune.

Jean n’eut même pas le temps d’ouvrir les ailes pour décoller.

Une main puissante le ligotait.

Le Borgne mit un lien à la patte de l’oiseau et le relia à une cordelette.

Puis, il lui délia les ailes, lui donna un coup de bâton, et lui dit :

- Vas-y, avance ! Montre-moi le chemin !

Jean tenta de décoller, mais un autre coup de bâton le plaqua au sol.

Alors, il se retourna contre l’homme et vola sur lui. Il lui piqua l’oreille, et le sang coula.

De surprise, le Borgne tomba au sol, entraînant l’oiseau, qui continuait à piquer.

Mais l’homme l’emporta, roua de coups le corbeau, et l’enferma dans la cage.

Le Borgne était furieux.

Son oeil était injecté de sang, et s’il n’avait pas eu besoin du corbeau, il l’aurait tué sur-le-champ. Mais il lui dit :

- toi, mon vieux, tu vas voir comment je vais te cuisiner !

Dans les jours qui suivirent, il ne lui donna aucune nourriture.

Le corbeau continuait à s’affaiblir.

Un matin, le Borgne s’approcha de la cage, l’œil encore plus mauvais que d’habitude.

Il passa la main entre les barreaux, et d’un geste rapide, il arracha une grande plume de l’oiseau.

Celui-ci poussa un cri de douleur.

Il revint plusieurs fois à la charge, et chaque fois lui arrachait une rémige.

Et puis, quand il sentit le moment propice, il le fit sortir de la cage, après lui avoir lié le bec et attaché une patte.

Jean venait de capituler : il s’était résolu à mener l’homme à la source.

Alors, voletant et claudiquant devant lui il l’y mena.

Quand l’homme fut près de la fontaine, il lâcha le corbeau et tomba à genoux.

Il avait les bras plongés dans l’eau, et remuait les pièces d’or à pleine main.

Il jurait :

- je suis riche, riche ! Enfin !

Et puis, quand il se releva, le regard mauvais, il se saisit de son bâton, se tourna vers le Grand Corbeau, qui de fatigue n’avait pas changé de place.

- Et maintenant, je vais te tuer ! Oiseau de malheur !

Et il donna un violent coup de bâton, que Jean esquiva de justesse.

Le soleil jouait tranquillement entre les brins d’herbe, mais les saules et les aulnes pétrifiés, tout autour de la fontaine, assistaient au drame, étendant leurs branches impuissantes.

C’est alors qu’une ombre immense couvrit la forêt, et la plongea dans une certaine pénombre.

De surprise, Le Borgne laissa tomber son bâton.

Il y eut une pluie noire, dense, drue et sonore, et la lumière revint.

Le Borgne s’était protégé la tête avec ses bras, et avait fermé l’œil.

Quand il le rouvrit, il fut terrifié.

Tout autour de lui, sur toutes les branches des arbres de la clairière, depuis le sol jusqu’au sommet, ce n’était que des grands corbeaux.

Des milliers d’yeux le regardaient avec une fixité inhumaine.

Beaucoup fermaient et déployaient leurs ailes à l’envergure exceptionnelle.

D’autres frottaient leur grand bec pointu contre une branche, comme pour affûter un poignard.

Un corbeau, dont les plumes grisonnaient un peu, se percha sur une basse branche, en face du Borgne, et lui dit :

- Homme ! Tu as déjà connu la justice des tiens, pour le mal que tu as fait.

Et maintenant, tu as continué à l’égard de l’un des nôtres.

Sache que chez-nous, nous n’abandonnons personne ! Tu es là devant notre tribunal.

Tu as fait du mal à Jean, et tu voulais le tuer, comme tu tuerais n’importe lequel d’entre-nous.

Tu es un homme cruel et malfaisant.

Aussi, au nom de notre tribunal, je te condamne à mort.

Le Borgne devint livide.

Il venait à peine de ramasser son bâton que dans un grand bruissement d’ailes les premiers corbeaux plongeaient sur lui.

Il en assomma quelques-uns.

Ils partaient d’une branche et fondaient sur lui, comme des avions en piqué.

Puis vint le tour des bombardiers : une vingtaine de corbeaux s’abattit sur son dos.

Le Borgne s’effondra sous cette grappe qui lui déchiquetait le dos.

Sur le sol, quand un grand corbeau lui creva son œil, il rugit de douleur, donna encore quelques moulinets de bâton, puis finalement s’abandonna sous la masse grouillante.

Les feuillages, pudiquement, voilaient cette exécution capitale.

Quelques heures après, il n’en restait plus grand chose.

Il avait connu le sort des hommes qu’il avait détroussés sur les champs de bataille.

Quant à Jean, il s’était traîné près de la fontaine, et s’y était plongé pour rafraîchir son corps meurtri.

Il entendit alors une petite sonnette, et le farfadet vert apparût, et lui dit :

- tu vois, je t’ai rendu service !

A ce moment là, le grand chef des Corbeaux se posa près de là :

- c’est vrai Jean, tu peux le remercier : c’est lui qui nous a prévenus, alors que nous étions dans la longue rivière.

Et il ajouta :

- et si tu veux rentrer parmi nous, nous t’acceptons à nouveau.

Depuis ce jour, Jean, le Grand Corbeau est revenu parmi les siens.

Les hommes continuèrent à se livrer bataille dans les grandes plaines, et quand approchait le soir, dans la lumière sourde du soleil couchant, les corbeaux noirs s’abattaient toujours sur les champs désertés.

Et si un jour vous voyez un corbeau qui vole, une pièce d’or dans le bec ou dans une griffe, éloignez-vous en comme de la peste !

Non pas que le Corbeau soit maudit : l’histoire montre qu’il n’est pas pire que l’homme, loin de là.

Mais méfiez-vous de l’or, de votre propre cupidité.

Et par ailleurs, mesurez que la Nature a sa propre justice.


9 juillet 2001, Acca, accident de chasse, Affouage, Arbre, Association syndicale, Avocat environnement, Bandite, bois, Bois communaux, Boisement, Bourdaine, Champignon, chasse, Chasse en forêt, Chemin d’exploitation, Chemin rural, Chêne truffier, Chute d’arbre, Chute de branches, Code forestier, Coupe abusive, Coupe extraordinaire, CRPF, Débardage, Débroussaillage, Débroussaillement, défrichement, dégâts de gibier, Droit de chasse, droit forestier, eaux et forêts, Engref, Entrepreneur forestier, espace boisé, Expert forestier, Expertise agricole, Exploitation forestière, Forestier, forêt communale, Forêt de protection, Forêts, glycines, Groupement forestier, incendie forestier, Inventaire forestier, L. 130-1, Mayotte, Monichon, Morts-bois, Parc forestier, peupleraie, peuplier, Plan de zone sensible, Plan simple de gestion, Poésie, Processionnaire, régime forestier, Sérot, Soumission au régime forestier, Vent violent, Voirie départementale.